(1896) Page(s) 10-13.
133-135. — Rosa pervirens Gren. — Qu’est ce que le R. pervirens Gren.? Est-ce un hybride du R. sempervirens et du R. arvensis? ou bien faut-il le considérer comme une forme légitime intermédiaire entre ces deux espèces? Telle est la question délicate qui se pose.
Jusqu’à nos jours la distinction spécifique du R. sempervirens et du R. arvensis n’a été contestée par personne et, limitées à leurs variations typiques, ces deux Roses sont parfaitement distinctes et on ne peut jamais les confondre. Voici, d’après M. Crépin (Primit. monog. Ros. V (1880). pp. 579-580), la diagnose de l’une et de l’autre. — Rosa sempervirens: Feuilles persistant pendant l’hiver, les moyennes des ramuscules florifères presque toujours 5-foliolées; folioles ordinairement épaisses et luisantes, glabres, très rarement un peu pubescentes en dessous, cuspidées, plus rarement simplement aiguës, à dents étroites et superficielles; inflorescence plus souvent pluriflore qu’uniflore; bractées primaires à la fin réfractées; pédicelles ordinairement assez abondamment glanduleux, ainsi que les sépales; styles presque toujours pubescents. — R. arvensis: Feuilles tombant pendant l’hiver, les ramusculaires moyennes 7-foliolées, rarement 5-foliolées; folioles ordinairement minces, non luisantes, glabres ou plus ou moins pubescentes sur l’une ou sur les deux faces, simplement aiguës ou obtuses, plus rarement cuspidées, à dents larges et assez profondes; inflorescence plus souvent uniflore que pluriflore; bractées primaires dressées; pédicelles ordinairement peu glanduleux, ainsi que les sépales; styles toujours glabres.
Le R. sempervirens est une espèce surtout de la région méditerranéenne et le R. arvensis de l’Europe centrale. Or, précisément à la limite de ces deux régions, dans les départements de l’Aveyron et du Gard, par exemple, on observe des formes très curieuses qui paraissent intermédiaires entre ces deux espèces. J’en ai étudié un assez grand nombre soit dans la vallée de I’Arre à Alzon (Gard), soit au sud de Saint-Affrique, dans la vallée de la Sorgues, où j’ai récolté ces trois numéros pour l’Herbarium, soit dans la vallée du Lot à Saint-Geniez, où notre confrère M. Simon en a observé quelques autres. Et voici la diagnose que j’ai tracée du R. pervirens: Feuilles toutes ou la plupart caduques pendant l’hiver, les moyennes ordinairement 5-foliolées; folioles assez épaisses, peu ou point luisantes, glabres ou légèrement pubescentes, aiguës ou cuspidées à dents fines et serrées ou grossières et écartées; inflorescence aussi souvent pluriflore qu’uniflore; pédicelles plus ou moins glanduleux; colonne stylaire toujours glabre; fruits très variables, tantôt normalement développés, tantôt plus ou moins avortés et à maturation très tardive. Ajoutons que ces formes ont un faciès caractéristique qui ne permet de les confondre ni avec le R. sempervirens, ni avec le R. arvensis.
Or, ce sont ces formes ambiguës qui ont commencé à obscurcir la notion de ces deux types, de sorte qu’aujourd'hui certains rhodologues ne sont pas éloignés de croire qu’entre le R. sempervirens et le R. arvensis il existe des formes légitimes intermédiaires, comme il y en a tant entre d’autres types moins bien délimités, R. canina et R. stylosa, par exemple, R. canina et R. glauca, etc. S’il y avait réellement des formes intermédiaires, on serait forcé de réunir spécifiquement les deux espèces et de ne plus considérer celles-ci que comme deux variétés d’un même type, réunion qui constituerait un fait très grave dans ses conséquences.
Mais toutes ces formes du R. pervirens sont-elles bien réellement des formes légitimes? Ce qui porte d’abord à les considérer comme telles, c’est leur abondance relative et leur isolement fréquent ou absolu des R. arvensis et R. sempervirens. Ainsi, dans la vallée d’Alzon, le R. sempervirens croit à peu de distance du R. pervirens, mais le R. arvensis manque dans le voisinage. Dans la vallée de la Sorgues, où le R. pervirens est assez répandu, le vrai R. sempervirens, à feuilles persistantes et à styles velus, n’est encore connu que dans une localité, au fond d’un ravin près de Latour. Enfin, dans la vallée du Lot, plus avancée vers le Nord, le R. arvensis n’est pas rare, mais personne, à ma connaissance, n’y a jamais rencontré le R. sempervirens.
Quoi qu’il en soit, l’hypothèse d’une origine hybride de toutes ces formes est loin d’être absurde, et M. Crépin, dans les notes qu’il nous a adressées à ce sujet, semble être favorable à cette combinaison. « Ne peut-il pas y avoir eu, dit-il, des croisements hybrides à de longues distances, et, d’autre part, des circonstances qui peuvent remonter à de nombreuses années n’ont-elles pu faire disparaitre l’une ou l’autre de ces deux espèces du voisinage du R. pervirens? Ce qui me porte à voir des produits hybrides dans ces formes, c’est que les unes se rapprochent plus du R. sempervirens et les autres sont plus voisines du R. arvensis. »
Dans une question aussi difficile à résoudre, en attendant de nouvelles observations, il est sage de ne pas se prononcer sur la nature du R. pervirens, mais de faire des réserves et d’agir avec une extrême prudence. M. Duffort va entreprendre cette année des croisements artificiels entre le R. sempervirens et le R. arvensis: il sera intéressant de voir les résultats de son expérience. En attendant, on pourra utilement comparer nos numéros 133, 131 et 135 avec les numéros 204, 205 et 206, que ce rhodologue a publiés sous le nom de R. arvensis X sempervirens et dont il est difficile, dit M. Crépin, qui les a vus naguère vivants dans le Gers, de ne pas admettre l’origine bâtarde. —H. Coste.